Le 26 Juin 2013

Posted on 28 juin 2013

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mahamsina
Le 26 juin 2013
Par Jean Pierre Domenichini
La « fête » du présent 26 juin provoque des commentaires et peut être vue de plusieurs points de vue. Tous les médias en ont parlé, mais, à ce que je sais, n’ont pas toujours vraiment fait le tour de la question. Je ne prétends pas le faire, mais apporter quelques précisions qui, me semble-t-il, ont été oubliées.
Pour la majorité des citoyens, la télévision nationale a présenté la même fête que les années précédentes. C’était une fête « normale ». L’armée a défilé, un Président l’a présidée, la tribune était comble et le peuple bien présent. Elle a évité de parler des conditions dans lesquelles elle avait été préparée et que le candidat à l’élection présidentielle s’était lui-même invité. Les chancelleries qui comptent avaient fait grève, sauf l’ambassadeur de Maurice, car la rupture n’est pas totale et il faut bien laisser un chemin pour rouvrir les discussions qui vont inévitablement avoir lieu. Dans la tribune, les petits chanteurs et danseurs qui ont donné le spectacle d’introduction, sont ensuite devenus des Excellences à l’abri de la pluie sous le toit de la tribune sur les chaises alors désespérément vides. Sans doute en ont-ils remercié la communauté internationale.
Le jour était maussade, pluvieux et triste. Andry était réjoui et béatement souriant. Mais il fallait voir, à côté de lui, une dame au visage fermé et triste comme le jour. A côté d’un mari qui vit hors du temps global, Mialy est sans doute inquiète d’un avenir incertain.
Le soir, France 24 a donné une information aux téléspectateurs du monde entier sur ses chaînes en français, en anglais et en arabe, qui si elle était brève, a présenté une manifestation sans les chancelleries avec une image montrant les places laissées vides dans la tribune et une intervioue de Pierrot Rajaonarivelo. Sur les événements malgaches, on est mieux informé aux Tuamotu que dans la Grande Ile.
Après Mahamasina, une invitation, sans doute pour 3.000 personnes, avait été lancée par le président-candidat à la Présidence. Catastrophe. Beaucoup de ceux qui étaient à Mahamasina pour honorer les militaires ne sont pas allés à Iavoloha. Il y avait beaucoup, beaucoup, beaucoup de tables vides. Bien manger et gratuitement n’avait pas encouragé à venir faire la corvée de présence. Iavoloha aussi était maussade.
Le Ffkm, qui ne brille plus par son sens politique et qui voulait faire durer la situation avec une deuxième transition, aurait-il compris le sermon que leur a fait Leonardo Simao ? Toujours est-il qu’il n’est pas venu à Iavoloha prendre le denier du culte en nourriture. Son absence y a été remarquée.
Mialy a bien raison de se faire du souci. Un premier symptôme – non détecté par le quatrième pouvoir – donnait déjà à le penser. La Chine qui prévoit de gros investissements à Madagascar, a décidé la semaine dernière de bloquer tous les grands travaux qu’elle avait commandés à la Colas. On sait comment fonctionne le capitalisme chinois, qui reste contrôlé par le Parti (Cf, Marie-Claude Bergère, Chine, le nouveau capitalisme d’état, Paris, Fayard, 2013, 309 p.). Le Parti possède des parts de toutes les grandes entreprises capitalistes chinoises. Et ce que le Parti décide, les membres du Parti qui sont les grands patrons de ce capitalisme, le mettent aussitôt en œuvre. A Madagascar, la Chine avait préféré s’adresser à la Colas, entreprise française, plutôt qu’à la société chinoise de travaux publics. Aujourd’hui, les Chinois, qui espéraient un prompt retour à une situation constitutionnelle, ont jugé que la situation de crise n’a que trop duré et qu’il ne convient pas de prendre des risques inutiles.
Ils ne sont pas les seuls. Il y a quelques mois déjà, un jeune investisseur malgache voulut ajouter une troisième villa franche à Maurice aux deux qu’il y possède déjà. Pour une question d’odeur nauséabonde, son nez étant indisposé, le gouvernement mauricien s’y était opposé. Rappelons que la petite île de Maurice occupe une place entière dans la Sadc et dans les négociations pour la sortie de crise.
Pendant ces festivités maussades, une autre réunion se tenait à Addis-Abeba, celle du Groupe International de Contact qui a décidé de suivre le modèle de la France et, en les accentuant, de prendre des sanctions ciblées à l’égard des trois candidats, mais aussi de tous ceux qui ont soutenu et financer le coup d’Etat. Outre le refus de donner des visas de circulation dans les différents pays présents ou représentés au Gic, il est dès à présent envisagé de séquestrer non seulement les comptes bancaires de tout ce beau monde, mais aussi leurs biens immobiliers mal acquis depuis 2009. On comprend l’inquiétude de Mialy. Sans doute sont plus qu’inquiets les grands entrepreneurs en politique qui ont financé les événements et qui possèdent des comptes et des sociétés en territoire étranger. Les pressions de ces investisseurs d’un genre particulier seront-elles plus efficaces que celles de la communauté internationale ? C’est maintenant qu’il faut agir, sinon c’est après que leur viendraient remords et regrets.
On parle beaucoup du Père Pedro qui serait nominé pour le Prix Nobel. On peut apprécier ou décrier un personnage qui manque de principes et sait profiter des opportunités qui se présentent. De sa tradition familiale, sans doute a-t-il retenu l’intérêt des coups de force et la nécessité ensuite de se protéger du juste retour des choses. Il a su voler au secours de la victoire et faire la louange du coup d’Etat et de son bénéficiaire. Il sut même en bénéficier. Aujourd’hui, sur une chaîne internationale, il critique la politique qui fut menée dans le pays et qui a accru la pauvreté du peuple. Le Prix Nobel lui assurerait un surcroît de célébrité et de nouveaux concours financiers. Qu’on l’apprécie ou qu’on le décrie, on ne peut que souhaiter qu’il passe du statut de nominé à celui de nommé, car, si cela arrivait, une nuée de journalistes de haut niveau s’abattrait sur Madagascar, poserait les bonnes questions et le ferait savoir sur la scène globale. Nos promoteurs et auteurs de coup d’Etat pourraient bien être alors totalement dévoilés et stigmatisés aux yeux du monde entier.
La communauté internationale a donc décidé de mettre la Transition en prison dans son insularité. Cela signifie-t-il qu’aucun des investisseurs du pays ne pourra le quitter jusqu’au retour à une situation constitutionnelle ? S’il en était ainsi, une justice indépendante et respectueuse du Droit aurait des années de travail pour nettoyer les écuries d’Augias.
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