Chronique de Vanf : Cohérence et Discernement

Posted on 17 novembre 2015

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CHRONIQUE DE VANF

Cohérence et discernement

Beaucoup s’étonnent que des Malgaches se sentent si concernés par les attentats deParis. Pourquoi pas, et bien sûr que si ! Bien avant même qu’une liaison aérienne existeentre Antananarivo et Saint-Denis de La Réunion, ou entre Antananarivo et Plaisance àMaurice, notre long-courrier effectuait un va-et-vient régulier entre Antananarivo et Paris.

Bien entendu qu’il faut tourner la page de la parenthèse coloniale (30 septembre 1895 -14 octobre 1959/26 juin 1960), mais écrire un nouveau chapitre ne peut signifier autodafé des pages d’une relation complexe débutée au 19ème siècle.

La France reste notre étrangère intime. Les relations de Madagascar avec la France,comme celles du Maroc, celles du Sénégal, celles du Cambodge, avec l’ancienne puissance coloniale, ne peuvent être indifférentes. Et, autant dire qu’elles sont exceptionnelles. Même si, en ces années 2000, le Malgache découvre la valeur ajoutée véritablement internationale des destinations anglo-saxonnes, et du Commonwealth, quoi de plus prégnant que toutes ces générations cumulées d’étudiants et de cadres malgaches qui ont donné aux deux rives de la Seine le générique de «Andafy» ? Plutôt que de ressasser une amertume négative, autant faire de cette familiarité avec la langue française et de la connaissance de la culture française, un avantage comparatif. Bien évidemment, dans cette relation d’étranger intime, l’un à l’autre, il ne s’est jamais agi d’une francopholie béate ni d’une malgachophilie passionnée. Le droit d’inventaire fonctionne sur un autre mode de réciprocité.

Pour l’anecdote, une «petite note d’histoire malgache» parue dans le Bulletin de l’Académie Malgache (nouvelle série, tome 23, 1940, page 65), «sur une manifestation de sympathie franco-malgache en 1870» : c’est le consul de France, Jean Laborde, qui lança une souscription à l’issue de la guerre de 1870 qui s’était terminée par une victoire de la Prusse sur la France. Y contribuèrent les missionnaires français catholiques ; les Frères des écoles chrétiennes et leurs élèves d’Ambodinandohalo ; les écoles d’Ambohimitsimbina, d’Ambavahadimitafo et de Mahamasina ; les Soeurs attachées à la mission et leurs élèves ; Clément Laborde ; Édouard Laborde ; parmi les Malgaches, il y eut Félix, un élève des Frères ; Félicie Radofine, l’épouse malgache de Jean Laborde, Ramangamaso Félicité, Ramasy Noémie, enfin Victoire Rasoamanarivo, belle-fille du Premier Ministre Rainilaiarivony.

Où, ailleurs qu’à Paris en particulier, et en France en général, d’autres Malgaches, familles, amis, collègues, auraient pu mourrir plus probablement dans un attentat islamiste qui frappe aveuglément sur les grands boulevards, à la terrasse d’un café, dans un théâtre ? C’est bien parce que la France reste encore la première destination des Malgaches de l’étranger que les Malgaches d’ici sont plus concernés que lors des attentats de New York (2001), Bali (2002), Madrid (2004), Londres (2005), l’avion de Charm el-sh eikh vers Saint-Petersbourg (2015), Beyrouth (2015).

Ceux qui sont les plus prompts à critiquer cette empathie envers la France et l’Occident, s’il leur fallait choisir, opteraient, comme nous, pour une démocratie de type américain, allemand, scandinave, suisse, français, plutôt que pour un pays de la Charia. La Constitution de type cinquième République léguée par Charles de Gaulle sera toujours infiniment préférable aux interprétations à la lettre d’un mollah barbu dont le discours frustre prospère sur l’ignorance de son auditoire.

La cohérence, c’est la lutte de l’Humanité contre tout radicalisme fanatique, liberticide et assassin. Que les victimes soient françaises, libanaises, russes, kényanes, anglaises, espagnoles, indonésiennes, américaines, elles font partie des nôtres contre les jihadistes de tous les pays. Personne ne peut accepter, qu’en 2015, des femmes et des filles peuvent être attrapées, partagées en butin, réduites en esclavage, vendues au marché.

Personne ne doit accepter, qu’en 2015, le même mode moyenâgeux de table rase d’une religion antérieure continue de s’appliquer à des statues de Bouddha, aux vestiges de Palmyre, aux antiquités de Mossoul. Personne ne voudra plus que nos libertés modernes, nées en Occident et diffusées par l’Occident, soient amputées à cause de conceptions définitivement archaïques de la manière de s’habiller, de s’amuser, bref de vivre.

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