Par Patrick Rakotomalala (Lalatiana PitchBoule)
Kosztolànyi écrivait: « l’humanité ne voit la vérité que si on lui a crevé un œil. Mais avec l’œil qui lui reste, elle ne voit toujours pas la vérité … ».
C’est ainsi que la vraie misère des autres nous reste souvent abstraite … Que sais-je de la faim ? Que sais-je de la survie et de la peur de ceux qui dorment sur le trottoir ? Comment est-ce que je vis la lecture des images de la détresse de mon prochain ? En indignation, en colère ou en révolte ? En tristesse, parfois ? En empathie, peut-être ? Et puis des rencontres, des récits vous mettent un grand coup de poing dans la gueule. C’est ce que j’ai vécu aujourd’hui dans une confrontation avec le comble du sordide
Elle m’a raconté l’histoire de ces gamines (et gamins) de la rue dont son ONG s’occupe dans les bas quartiers de Tana. Ils ont 10 ans ou presque quand ils prennent conscience que leur corps peut leur permettre de gagner de quoi survivre. Parce qu’il en est des à peine moins miséreux qui veulent les acheter … Alors elles se prostituent. Elles ont 10 ans. 11 ans. 12 ans… Parfois 16 ans.
Elles font des passes à 1500 ariary… Elles auront touché 8000 ariary à la fin de la journée … Les filles mères de 16 ans payent pour faire garder leur bébé… Ca leur permet de faire le plus de passes possibles. Et elles donnent une partie de leurs gains à leur proxénète…Et elles payent les intermédiaires patrons de bar et autres rabatteurs … Et ça leur laisse 1000 ariary de revenu au bout de la nuit …
Et quand on leur dessine un autre possible, 30% d’entre elles en rejettent l’idée… Parce qu’elles n’ont eu jusque là que ce modèle à leur disposition… C’est simplement à hurler… Ah, j’oubliais …Il s’agit de petits garçons aussi…
De manière heureuse et rassurante, une expérimentation menée sur 300 gamines a vu 70% d’entre elles accepter l’idée d’un autre possible. Après une première Phase d’évaluation et de sensibilisation (financée par un fond de coopération étranger), une deuxième Phase d’alphabétisation et d’éducation de base (financée par un autre fond de coopération étranger) a permis de commencer la reconstruction de ces enfants en leur redonnant espoir, fierté et sentiment d’appartenance. Une troisième Phase de cette expérimentation est à lancer en hébergement, alimentation et formation professionnelle (couture, auxiliaire de vie, cuisine, ménage) pour leur permettre de construire définitivement un autre avenir …
Il serait bien qu’on la soutienne, nous, cette fois cette initiative… Mais c’est une autre histoire à bâtir
Ps : Merci à Romy Andrianarisoa Voos et à son ONG et à son équipe de l’Association Miaro Madagascar d’exister. Vous êtes magnifiques
Solofoniaina
15 mars 2019
Merci pour cet article – c’est vraiment l’image très triste pour la pauvreté à Madagascar. Mais je voudrais vous dire qu’il n’y a pas que les associations qui aident les malgaches ; des particuliers sans faire du bruit et tapage le font à son niveau sans aucune aide de qui que ce soit. Car par rapport à la misère et les miséreux, les deux ne sont que des gouttes d’eau dans la mer. On n’a pas le don de Vladimir Poutine.
Et puis, j’aimerai aussi relever que ces pauvres, délaissés pour compte s’organisent et bon nombre d’entre eux réussissent. La commune par exemple, nomme un responsable parmi eux et cette personne donne une structure bien définie qu’il soumet à la commune ; cela, c’est dans mon quartier à Ambatonakanga d’autan plus qu’au temple, le Pasteur donne des outils à ces gens comme des bottes de pluie, du vélo, etc
Mais quand ces enfants en général, le phénomène ne s’arrête pas là. Je ne sais pas si vous êtes au courant, qu’à Tana, il y a beaucoup de lieu pour faire des massages ; moi-même en toute connaissance de cause je peux vous le certifier car j’en suis tombé de haut quand j’ai eu une locataire qui loue un appartement chez-moi : « MASSAGE AVEC FINITION ». Par curiosité, je suis allé discuter avec ces gens et quelle est d’après vous mon constat ? C’est qu’il monte des maisons closes où les filles (PAUVRES bien sûr) travaillent jour et nuit pour recevoir ou plutôt pour satisfaire cette clientèle bizarroïde
Je suis content que vous fassiez connaître des associations malgacho-malgaches qui font des choses pour nos compatriotes qui n’ont pas du tout demandés à être à leur misère.
jorgensen
15 mars 2019
peut-on avoir les coordonnées pour agir ? je m’occupe aussi des 4’mis (enfants des rues à Tana) jcjorgensen@wanadoo.fr
pitchboule
18 mars 2019
Merci de votre intérêt… Je transmets vos coordonnées …
Bien cordialement
Patrick