Par Patrick Rakotomalala (Lalatiana PitchBoule)
Masqué par les gesticulations des uns et des autres quant à la restitution à l’Etat malgache des Nosy Kely, un clin d’œil ironique nous est adressé par l’histoire et la géopolitique de l’Océan Indien. Ces îles que nous voulons malagasy, n’ont jamais, semble t il, porté de nom malagasy. Ou tout du moins les historiens de la Grande Ile, interrogés sur ce sujet, avouent n’avoir jamais vu nommément trace ou mention de ces ilots dans l’histoire de Madagascar. Il serait temps d’y remédier. Parce que, entre nous soit dit, revendiquer des droits historiques sur des terres innommées, ça fait un peu désordre et pas très crédible.
D’autant que certains de ces îlots en question portent des noms … portugais ! Bassas de India avait été déclarée par des explorateurs portugais dès le 16eme siècle et Juan de Nova avait été découverte par le commandant Jao de Nova, galicien qui travaillait pour le portugal, en 1501… soit bien avant 1897. On imaginerait aisément que Maputo puisse revendiquer sa souveraineté sur ces ilots au titre de l’antériorité d’une invention portugaise et au titre de l’héritage naturel de ces dites « possessions ». Quid de surprenant à ce que le Mozambique lusophone, ne se mette à dire « Ah ches chîles là, elles chont Mochambicaines parche quou, portougaiches à l’ourigine docouvertes par dos marins portougaiches qui lour ont dounné lour nom … ». Qui plus est, Bassas de India, est géographiquement située pile à mi-chemin entre Madagascar et le Mozambique… Pourquoi le Mozambique ne serait il pas, lui aussi, légitime à réclamer la souveraineté sur Bassas de India ?
Mais au-delà de ce qui peut passer pour une boutade, le Mozambique est bien un acteur essentiel que les malgaches – enfermés dans un schéma borné par leur insularité d’un coté, par leur obsession de Reny Malala d’un autre coté et enfin par leur mépris pour tout ce qui est africain d’autre part – ne semblent absolument pas prendre en compte dans leur revendication des Nosy Kely.
On hurle « rendez nous NOS îles !!! » sans jamais se poser la question du « Oui, mais que va-t-on en faire ??? » ni du « Comment et avec qui gérer ou négocier cette restitution ???». D’autant qu’on l’a vu, la mise en valeur de ces ressources fossiles envisagées (qui ne restent que potentielles) est désormais largement compromise – ou tout au moins repoussée aux calendes gasy – et l’argument des richesses incommensurables de Juan de Nova semble bien spécieux [1] …. La restitution des Nosy Kely, relève ainsi plus d’une artificielle et politiquement opportune préoccupation d’image nationaliste (« c’est à moi et pas aux autres ») que d’une évaluation réelle des enjeux économiques, stratégiques, géopolitiques et environnementaux induits quant à cette revendication de souveraineté.
Et la naïveté et l’inconstance avec lesquelles sont menées ces revendications ne nous grandiront pas aux yeux de l’opinion internationale, faute de réflexion et de travail de prospective. Dieu sait si, pour espérer récupérer ces territoires, il faudrait être pris plus au sérieux qu’au travers des pétitions à vingt mille signatures. Et les politiciens qui, imprudemment, ont par le passé ou continuent de claironner « Je vais restituer au pays et au peuple malgache ses îles éparses » ne savaient et ne savent toujours probablement pas dans quel imbroglio juridique, diplomatique et géopolitique ils mettaient le doigt. Mais baaah … On peut toujours rêver de ce jour où nos hommes politiques s’occuperont d’abord de bien public puis d’éducation et d’information, pour construire notre histoire commune, au lieu de gesticuler en malhabiles revendications.
Sur l’échiquier régional, on est en effet confronté à un problème complexe de délimitation et de négociation de nos frontières maritimes, alors même que nous ne disposons pas de cette vision globale des enjeux maritimes sur la zone du Canal du Mozambique. Avons nous seulement envisagé quels seraient les moyens nécessaires pour exercer et garantir nos droit souverains sur cette zone dont nous exigeons la restitution ? Que va-t-on faire de ces immensités maritimes qu’il va falloir administrer ? Oui, bien sûr, on trouvera bien un amiral quelque part pour sécuriser les 370 000 km² de ZEE qu’il nous incombera de prendre en charge.
D’autant que se réveille désormais sur la zone cet acteur qui ne se laissera pas faire en termes de délimitation territoriales. La République du Mozambique se préoccupe ainsi de longue date non seulement de logiques de frontières maritimes, mais aussi de logiques d’évaluation de ses richesses en prévision de leur gestion. C’est là la différence entre la capacité de vision prospective des uns et l’incompétence entachée de court-termisme des autres. Quand les uns se préoccupent de propriété sur ce qu’ils n’ont pas, les autres se préoccupent de sécurisation de ce qu’ils ont.
Il est peu probable que le Mozambique ait envie faire joujou avec une quelconque revendication de souveraineté sur ces îlots eux-mêmes. Mais il reste extrêmement concerné et préoccupé par ces litiges entre Paris et Moroni (à propos de Mayotte) et Paris et Antananarivo (à propos des îles éparses). Ces litiges l’empêchent en effet de négocier et de fixer rapidement ses propres frontières maritimes avec ses voisins à savoir Madagascar, [2]les Comores et le géant Sud Africain [3] !!! Et de les sécuriser … Et un déplacement vers l’ouest de l’espace marin malagasy dans le cas d’une restitution à l’Etat malgache exigera une négociation des frontières maritimes (ZEEs et Extension du plateau continental) avec un pays que sa façade maritime de 2700 kms, et sa population majoritairement paysanne vont rendre sensible quant à la définition et à la préservation de ses zones d’intérêts… de ses zones de pêches au thonidé et de ses zones de production gazières en particulier. Avec un Mozambique qui a déjà contesté l’établissement des ZEEs sur la zone, la frontière entre les deux états se négociera probablement dans la règle de l’équidistance : et zou !!! … exit la perspective de la « belle » ZEE « prometteuse » de Juan de Nova !
Par ailleurs, ses ports de Beira, Maputo et Nacala, poumons économiques des pays enclavés que sont le Zimbabwe, le Malawi ou la Zambie, vont rendre le Mozambique particulièrement sensible à des logiques de sécurisation de ces territoires maritimes, qui restent à la portée des pirates de la corne de l’Afrique. En y rajoutant des préoccupations légitimes en termes d’environnement, de liberté de circulation maritime et de tourisme, on devrait réaliser que le Mozambique ne laissera pas faire n’importe quoi à sa porte.
Le pays, pourtant tardivement indépendant (1975) et tardivement en paix (1992) était suffisamment conscient de ces enjeux de revendications et délimitations maritimes, pour avoir constitué dès les années 2000 une Institution (National Institute for Maritime and Borders Affairs) rattachée au Ministère des Affaires Etrangères. Pendant ce temps, notre amiral validait en 1999 au sommet de la COI le principe de la cogestion des iles de l’Océan Indien.
Le Mozambique n’a pas vocation à arbitrer en faveur de telle ou telle partie du conflit entre la France et Madagascar. Mais on peut supposer que la République du Mozambique jouera la carte du partenaire qui répondra le mieux à ses intérêts économiques, sécuritaires, géopolitiques. Et entre la petite république malgache, qui aura du mal à sécuriser sa zone, et la puissance européenne avec ses capacités d’investissements, ses capacités d’intervention, et ses débouchés commerciaux et énergétiques on imagine aisément au profit de qui risquent de s’orienter les faveurs de Maputo. Et la récente visite d’une mission diplomatique française à Maputo, malgré de véhémentes dénégations « on vous jure qu’on n’a pas parlé des Eparses », ne doit pas nous tromper. Les postures de Chissano lors de sa médiation, n’étaient par ailleurs peut être pas étrangères à ces logiques géopolitiques.
Une fois encore on se précipite sans vision globale et sans accorder la moindre parcelle de réflexion quant aux impacts et enjeux réels de ces initiatives revendicatrices. Le brouhaha qu’elles génèrent est bienvenu pour masquer d’un coté les problèmes réels et pour, de l’autre coté, réveiller opportunément un nationalisme d’opposition qui veut encore déstabiliser le pouvoir. L’incompétence apparente de ce dernier irrite. Mais il faut assumer que ce dont le pays a avant tout besoin, c’est de stabilité et certainement pas de l’arrivée de nouveaux prétendus conpétants.
Il serait temps qu’on grandisse et qu’on apprenne à travailler plus sérieusement sur le long terme en évaluant les problèmes de la manière la plus globale et dans toutes leurs inférences. Et qu’on arrête de manipuler les opinions. Revendiquer, oui … Mais au moins donnons nous les moyens de faire aboutir les choses en appréhendant sérieusement les problèmes.
Bien à vous tous
Patrick Rakotomalala (Lalatiana Pitchboule)
[1] https://madagoravox.wordpress.com/2015/11/25/chroniques-des-nosy-kely-1ere-chronique-y-a-t-il-du-gaz-dans-leau-et-du-ble-dans-le-gaz-dans-leau/
[2] La distance entre le Mozambique et Madagascar est de 200 nautiques (374kms) dans la partie la moins large du canal ; les ZEEs potentielles (nonobstant le problème de la France et des Comores) sont donc en chevauchement. Et si Les Nosy Kely revenaient à Madagascar, cette distance serait de 260 nautiques dans la partie la plus large.
[3][3] les frontières avec la Tanzanie ont, elles, été négociées en 1988. Mais cette frontière est remise en cause par la république des Comores
solofobls
7 décembre 2015
Je ne peux qu’être d’accord et à mon avis déjà au niveau des FOKONTANY, les malgaches devront avoir des centres comme des maisons de quartiers où ils peuvent s’informer. Mais nous allons dire encore qu’on manque de moyens.
solofobls
8 décembre 2015
Du temps d’Andrianampoinimerina, il avait comme slogan ‘NY RANOMASINA NO VALAM-PARIHIKO’ (C’est la mer qui délimite mon territoire’). Ranavalona 1ère faisait des incursions au Mozambique pour faire la traite des esclaves !
Les Sakalava traitaient aussi avec les forces étrangères pour résister aux assauts du Fanjakana de RADAMA.
C’est pour dire que Madagascar dans le temps ancien savait déjà traiter avec les étrangers et Andrianampoinimerina lui-même connaissait déjà où il devait s’arrêter !
Mais nous, que savons-nous faire ? A part les chamaillades, les frictions internes, les luttes pour le pouvoir ! On dirait que nos ancêtres nous ont laissé cette terre de Madagascar, mais nous ne savons pas quoi en faire !
C’est le fait d’être des îléens qui nous rend cela ou on va encore dire que c’est encore la faute de La France qui nous a colonisé ?
Les malgaches contemporains semblent ne plus savoir ce qu’ils font : Ne pas savoir prendre le train en marche, passer à côté de la plaque et bien : C’est tout ! Mais si c’est pour palabrer, je pense qu’on est parmi les meilleurs du monde !
Plus le malgache est bardé de diplômes, plus il est dispersé ! Mais le malgache aime revendiquer ! Revendiquer tout : LA LIBERTE, LA DEMOCRATIE, L’INDEPENDANCE sans se soucier des moyens pour y parvenir. Il aime se mettre à la mode, suivre toutes les tendances et il aime mendier et quémander surtout pour arriver à cela !
On n’attire pas la sympathie mais on préfère la pitié des autres ; tout se résume à cela ! A QUI LA FAUTE ALORS ? Méditons, philosophons aussi !
C’est encore loin LE REVEIL REEL ! On doit se réveiller : ZUT !
solofobls
8 décembre 2015
Alors pensons-nous que ces iles éparses vont concernées tous les malgaches ?
Ailleurs, les Etats se fourvoient des chemins pour leurs revendications géopolitiques et géostratégiques ! Est ce que notre chère Patrie dispose des hommes et des Femmes d’ETAT capables de traiter cette affaire ?
Certes, Madagascar peut se targuer de disposer de beaucoup d’hommes et de femmes POLITIQUES (beaucoup mais vraiment beaucoup) comme on peut se targuer d’être le pays parmi les plus pauvres du monde mais où il y a beaucoup de voitures 4×4 face à beaucoup de misères !
Et parmi ces gens-là, parmi ces gens très distingués aux bonnes moeurs, y a-t-il des hommes et des femmes d’Etat DIGNES DE CE NOM et capables pour bien comprendre tout d’abord et ensuite apporter des solutions viables ?
Qu’est ce que LA POLITIQUE MALGACHE en général peut faire pour les Iles TROMELINS, JUAN DE NOVA DIEGO GARCIA etc… alors qu’ici même les crimes des bois de rose, l’incendie de MANJAKAMIADANA, l’assassinat de RATSIMANDRAVA ont été déclassées et tus sous silence ?
Ne cherchons plus ailleurs car nous sommes NOS PIRES ENNEMIS !
Jacques Razandry
9 décembre 2015
Article instructif et intelligent qui tranche avec les aboiements idiots et démagos malgaches, ici ou là.
Trois remarques, si vous le permettez :
1) Tous les pays de la région (leurs dirigeants) bougent intelligemment, sauf les Malgaches.
2) Nous avons un Lionel Messi (le Professeur agrégé Raymond RANJEVA, ancien vice-pdt de la CIJ, La Haye, dont les compétences et les résultats obtenus dans ce domaine sont UNIQUES dans l’hémisphère Sud) et LABODIPLO. Les 2 MEILLEURS d’entre nous.
Écartés de la bataille mais pas encore empoisonnés par les Malgaches ! OUF !!
3) Qu’est ce qu’on fait des 400’000 km2 d’espace à gére ? Très très bonne question. Voici une réponse à 99,99% probable. Si les Malgaches gèrent ces Îles (compte tenu des résultats des 55 dernières années à Mscar) : putes de 12 ans, délestage, peste, sachets plastiques sur les belles plages, crimes crapuleux, saleté partout…ASSURÉS.
Pas CAP d’aménager BEHORIRIKA. Et çà veut encore gérer 400’000 km2 ? Inconscience ? Idiotie ? Comme d’hab ?
Jacques Razandry, pas patriote
CHARLES Claude
17 janvier 2016
Quelle bonne analyse !
solofobls
22 octobre 2016
Je continue mes commentaires pour être plus explicite et pour me faire bien comprendre.
En matière de droits internationaux, ces îles éparses nous reviennent de droit.
Mais, ce que je ne comprends pas c’est que : AVONS-NOUS LES MOYENS POUR TOUT CE QUE NOUS RéCLAMONS ?
Les moyens pour faire respecter ces droits ? Les moyens pour nous faire respecter aussi ?
Si La France nous restitue ces îles, que pourrions-nous faire si DAECH se les approprie pour faire de ces îles leurs bases arrières ? C’est SÛR que beaucoup vont solliciter les aides de LA FRANCE ou d’autres pays donateurs pour VOLER l’argent qu’on allouera à cela.
JE REMARQUE QUE PAR FAUTE d’inspirations et de convictions, nos politiciens, relayés par les médias aiment plus faire du bruit et du tapage ! C’est comme si la presse ne sert pas du tout à informer et à indiquer les voies à suivre ; des voies que normalement, dans d’autres pays plus avérés SERIEUX, des investigations, des études sérieuses, des forums sans tapage indiqueraient des indices plus concordants et plus compréhensifs pour le commun des malgaches.
Mais à Madagascar, on fait beaucoup de bruits, beaucoup de tapages pour finalement n’aboutir à aucun résultat. Voyez : en politique, il y a plus de 100 partis ; des élites et des Diplômés, les cv abondent quand il s’agit de viser un poste à haut rang – on a beaucoup de chaînes de télévision qui ne diffusent que des émissions lassantes, saturantes car très rares sont les émissions éducatives car ce sont les Publicités rapportant des sommes énormes à chaque chaîne qui abondent et pourtant, nous sommes à plus de 50 ans d’indépendance et classés parmi les 5 pays les plus pauvres du monde.
On aime tout rejeter sur les autres pays nos propres échecs. Car en matière de résultat depuis l’indépendance, nous avons à ROUGIR, à faire nos MEA CULPA et à dresser nos listes d’échecs avant de passer encore à d’autres choses.
Réglons tout d’abord nos lacunes internes, nos défaillances patriotiques avant de nous comporter comme si nous étions les politiciens français car beaucoup de ces partis politiques et des élites conçoivent les problèmes malgaches comme s’il s’agit de leur vécu en FRANCE ; ACCULTURATION OBLIGE !
solofobls
24 octobre 2016
J’aimerai attirer l’attention de tous et particulièrement ceux qui postulent à des responsabilités et pour ceux qui avaient des fonctions de responsabilités à tous les niveaux et dans tous les domaines.
Quand était en classe, l’on nous a appris et on l’a appris que le type d’enseignement prodigué à Madagascar était de former des élites et cultivés les cultes de diplômes.
Nous avons obtenu tout ce que nous avons réclamé mais qu’en avions nous fait ?
Nous gagné notre INDEPENDANCE qu’en avons nous fait ?
Nous avons gagné l’enseignement en malgache et qu’est ce que nous avons gagné ?
Nous avons adopté la malgachisation, repris nos terres aux colons, Ratsiraka a nationalisé tout QU’EN ESTIL AUJOURD’HUI DE NOUS ?
Nous avion évincé UN A UN : TSIRANANA, puis RATSIMANDRAVA, puis RATSIRAKA, puis ZAFY ALBERT, puis RAVALOMANANA, puis ANDRY RAJOELINA mais u’est ce ue nous avons obtenu , Qu’est ce que le pays MADAGASCAR a eu ? Qu’est devenu le peuple malgache avec tous ces discours enflammés des politicards, des élites corrompus, des dirigeants autosatisfaits de leurs ECHECS, des soi-disants Diplomés de tous ;les grands établissements renommés ?
La seule stabilité qui existe et persiste c’est la vie paysanne qui travaille la terre bon gré malgré tous les aléas et les gesticulations de ceux ou de celles qui se prennent pour plus intelligents car diplomés, titrés etc etc